mardi 17 juillet 2012

Le jour où j'ai dansé sans musique

Expérience inédite, étonnante et bouleversante...Prendre le bras d'une inconnue, durant 2h30 et la laisser m'emmener, yeux bandés, à travers un parcours inconnu lui aussi, dans Paris. Les premiers pas sont incertains et pas à pas, la confiance s'installe, comme naturelle. Les rues me semblent tortueuses, les sols perturbés, les travaux omniprésents, les bruits amplifiés. J'apprends à reconnaître l'approche d'un passage clouté, un restaurant, un bar, un énorme chien qui m'aboie dans l'oreille (en fait non, c'est un passant qui s'amuse), une voiture, une sortie de centre aéré, j'entends les enfants qui s'étonnent "elle fait quoi la dame? "Elle est aveugle?"... Je souris "Non, c'est juste pour voir..." Et puis ma guide m'ouvre des portes, celle d'un lieu plus sombre où une autre voix m'accueille, où mes doigts et mes oreilles découvrent ce que mes yeux ne peuvent voir : une harpe, et de l'émotion.
Plus tard, c'est dans un petit salon qui sent le cuir, les livres et le bois que nous parlons de voyage avec A. en buvant un Bissap, boisson sucrée et acidulée préparée à partir des feuilles d'hibiscus. Je ne la vois pas. Elle rie quand je demande s'il y a des livres chez elle (il y en a partout en fait...)
Un peu plus loin, c'est F. qui va m'emmener découvrir un lieu qui me semble être un jardin. Elle est aveugle. Les yeux bandés, je m'accroche à son bras, elle à sa canne blanche et nous formons l'espace d'une demi-heure peut-être, un étrange duo, décontenancé par un obstacle qui ne se trouvait pas là et qu'on identifie à force de tâtonnements comme une voiture... éclats de rire et nous reprenons notre petit périple, croisons des gens qui parlent, que j'entends s'écarter à notre arrivée, murmurer aussi... je suis très émue lorsque je la quitte. J'ai du mal à reprendre ma respiration, je suis en train de faire une drôle de bouille de mascara sous le masque...B m'invite à poser mes mains devant moi, c'est froid et doux, irrégulier aussi. Une sculpture, sûrement. mes mains palpent, je me hisse vers le haut, perdue par ces formes qui ne m'évoquent rien. J'entends des rires. Hissée sur la pointe des pieds, j'avais les deux mains sur les seins de la statue.
Dernière étape, dans une pièce qui me semble obscure. M. me prend le bras, je suis pieds nus, et nous marchons sur un tapis. On va danser, se chercher, se trouver, à tâtons, puis plus facilement et plus légèrement aussi. J'avance et m'arrête, au rythme des pas que j'entends autour. Je ne me vois pas, alors je peux danser, juste comme ça, sans musique, juste avec moi-même. C'est épuisant.
Et puis quelques minutes plus tard, j'ai enlevé le masque et découvert le visage souriant de B., ma guide. Sourires.
Et j'ai aussi vu la salle où j'ai dansé, pas sombre du tout, surmontée d'une mezzanine d'où les participants précédents observent...
Quelques jours, semaines ou mois seront nécessaires pour revivre, comprendre, ressentir cette étrange parenthèse...


Projet In Situ
La Villette

2 commentaires:

Marie a dit…

haaa tu me raconteras dis ...

Agnèslamexicaine a dit…

quelle belle initiative! À mexico il y a même des parcours en tandem et des dîners à l'aveugle...